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Numéro de notice

7638

Enquête sur les couleurs de la Dame à la licorne

Mystérieux chefs-d'oeuvre anonymes du musée de Cluny, les six tapisseries qui composent la célèbre Dame à la licorne ont perdu une partie de leurs couleurs au fil des siècles et des restaurations. Venez découvrir comment les scientifiques du laboratoire Archéosciences de Bordeaux tentent d'en percer les secrets et de recréer les recettes médiévales des colorants, avec l'aide d'une teinturière.

Durée

00:07:29

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HD

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Français
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VI

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Apple ProRes 422

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Transcription

Commentaire voix-off
Le Louvre à sa Joconde, le musée de Cluny, sa dame à la Licorne. C'est le chef d'oeuvre mystérieux et un incontournable de ce musée médiéval situé à Paris. Les visiteurs du monde entier viennent se recueillir sous ses impressionnantes tentures murales de plus de trois mètres de haut. Déclinées sur six tapisseries, cette oeuvre d'art majestueuse représenterait les cinq sens. Et l'interprétation d'un sixième sens, celui du coeur, avec la dernière pièce intitulée « Mon seul désir ». Sans signature ni lieu de fabrication connue, « La Dame à la Licorne » a été acquise ici en 1882 et a ensuite subi plus d'une douzaine de restaurations.

Béatrice de Chancel-Bardelot – conservatrice générale
« La Dame à la Licorne » est arrivée au musée de Cluny avec la partie basse assez endommagée et ensuite le conservateur a souhaité faire retisser les parties basses.
Et aujourd'hui, on constate que la partie basse semble plus pâle que le reste du tissage et on se demande pourquoi ? Donc c'est une question que se posent tous les visiteurs et que nous nous posons nous mêmes au musée.
Commentaire voix-off
Ce lundi, le musée est fermé au public et la salle de la Dame à la Licorne est réquisitionnée par des chercheuses spécialistes des matériaux et de la couleur. Elles sont arrivées de Bordeaux avec des appareils de mesure ultrasophistiqués, comme cette caméra hyper spectrale. En mesurant la façon dont les ondes lumineuses sont réfléchies par les fibres de la tapisserie, les scientifiques vont pouvoir dresser une carte d'identité de chaque couleur.
Aurélie Mounier – spécialiste des matériaux de la couleur
Donc on éclaire l'oeuvre avec des lampes halogènes. Et puis ça va scanner l'oeuvre. Et pour chaque pixel, on va enregistrer un spectre de réflectance. Et c'est ce spectre-là qui va être caractéristique du matériau employé. On va faire ça pour toutes les couleurs, donc là, c'était du rouge. Mais on a aussi du bleu.
Commentaire voix-off
Il y a 500 ans, puis, au fil des différentes restaurations, comment les teinturiers ont-ils coloré les fibres de laine et de soie ? Quels colorants ont-ils utilisé ? Deux étages plus haut, voici l'atelier de Raphaël Dejean et de ses collègues. Elles ont travaillé sur « La Dame à la Licorne » en 2012. Les réponses apportées par la recherche pourraient aider les restauratrices.

Raphaëlle Dejean – restauratrice du patrimoine
Même si avec l'expérience, on a un oeil qui s'est exercé à reconnaître les anciennes restaurations. On ne les identifie pas toujours. On n'arrive pas toujours à bien saisir où est ce qu'elle commence ou est ce qu'elle s'arrête. Donc le fait de pouvoir utiliser de l'imagerie pour les identifier, les repérer, pour nous, c'est quelque chose de très prometteur.
Au coeur de notre déontologie, il y a aussi le souci que nos interventions soient réversibles et vieillissent bien, qu'elles engendrent pas de dégradation pour l'objet et ça aussi le temps nous dira si on fait les bons choix. Qu'est-ce qu'il faut améliorer ?
Commentaire voix-off
Dans la salle de l'oeuvre, les chercheuses récoltent d'autres données grâce à des techniques d'infrarouge et de rayons X.
Pauline Claisse – physico-chimiste des archéomatériaux
On est en train de regarder quels éléments chimiques se trouvent dans les zones de restauration de la tapisserie. Sur la mesure qu'on vient d'effectuer, on peut voir ici, sur l'appareil une liste d'éléments chimiques qui ont été détectés.
Collègue masculin
Alors qu'est-ce qu'on a ?
Pauline Claisse – physico-chimiste des archéomatériaux
Fer, souffre, souffre on a toujours la même donc bon c'est la laine.
Commentaire voix-off
L'enquête se poursuit à Bordeaux. Au laboratoire Archéo Science, nous retrouvons Pauline Claisse. Pendant trois mois, elle a consulté de vieux manuscrits et répertorié des recettes de colorants.
Pauline Claisse – physico-chimiste des archéomatériaux
Les recettes sont assez larges et c'est un peu à nous de comprendre les différents procédés et le vocabulaire qui est loin d'être quotidien.
Commentaire voix-off
Exemple avec cette recette de colorant rouge synthétique trouvée dans un ouvrage de 1897.
Pauline Claisse – physico-chimiste des archéomatériaux
4% de rouge d'alizarine, de l'acide sulfurique donc là on a 3 % et du sulfate de soude on à 20 %. Le pourcentage correspond en fait au poids de la fibre qu'on va teindre. Donc c'est pour ça qu'il est important de faire des calculs dans les pesées.
Commentaire voix-off
Une fois la recette traduite, les ingrédients réunis et leur proportion identifiée. La reconstitution peut avoir lieu en laboratoire. Pour réaliser ce processus, la teinturière Charlotte Marembert est venue spécialement de Belgique.
Spécialisée en teinture naturelle. Elle essaie de s'approcher au plus près des protocoles de l'époque, un défi compliqué.
Charlotte Marembert - teinturière
On ne peut pas reproduire, ni les gestes, ni les couleurs. Ce n'est pas possible parce qu'on n'a pas les mêmes produits, parce qu'on n'a pas le même les mêmes caractéristiques d'atelier. Il est très difficile d'imaginer quelle était la qualité de l'eau.
On n'est même pas sûr de l'atelier dans lequel a été tissé cette tapisserie, mais on reproduit avec les mêmes molécules, avec les mêmes composants chimiques qui vont donner des informations qu'ensuite on peut croiser.
Commentaire voix-off
Après une pesée minutieuse des colorants en poudre, des préparations à différents dosages sont lancés simultanément. Les textiles y sont plongés pendant 40 minutes pour absorber la couleur. La teinturière recommencera l'expérience avec les 50 autres recettes sélectionnées. Prochaine étape rincer les bandes et les faire sécher. Des jaunes, des rouges, des violets. Ces tissus teints repassent ensuite sous la caméra hyper spectrale.
Aurélie Mounier – spécialiste des matériaux de la couleur
Donc maintenant qu'on a enregistré un spectre par échantillon, on va pouvoir reconstituer la base de données. Ce qui va nous permettre ensuite de comparer ces spectres là avec ceux obtenus sur la tapisserie de « la Dame à la Licorne » et de tenter de les identifier.
Commentaire voix-off
C'est un long travail qui commence. L'objectif est de rassembler tous les tissus teints en un nuancier pour identifier les matériaux de la tapisserie employés à l'origine et dans les nombreuses restaurations. Une mine d'or qui pourra servir pour des milliers d'autres oeuvres textiles comme les tapis, les vêtements ou les costumes d'époque. De quoi redécouvrir les bijoux de notre patrimoine sous un nouveau jour.

Réalisateur(s)

Lucie BENHAMOU

Production

Référent(s) scientifique(s)

Délégation(s)

Thématiques scientifiques

CNRS Images,

Nous mettons en images les recherches scientifiques pour contribuer à une meilleure compréhension du monde, éveiller la curiosité et susciter l'émerveillement de tous.